Haïti : Le MENFP fixe la rentrée scolaire au 1er octobre 2025, mais dans quel pays exactement ?

Par Lewensky Alfred | 08 août 2025

Saint-Marc — C’est ce jeudi 7 août 2025 que le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a enfin annoncé la date tant attendue de la rentrée scolaire 2025-2026. Selon le communiqué officiel, les classes rouvriront le mercredi 1er octobre 2025 sur toute l'étendue du territoire national.

Calendrier Scolaire 2025-2026 Haïti
Calendrier Scolaire 2025-2026 Haïti

Mais une question s’impose : dans quel pays se fera cette rentrée ?

Une rentrée fixée, mais sur un papier glacé

Le MENFP, dans une communication bien structurée, présente un calendrier académique complet : 186 jours de classe, 11 jours de congé, des périodes de contrôle, des examens officiels et un volume horaire défini pour chaque niveau. Un effort d’organisation notable sur le plan administratif. Mais là où l’encre du communiqué sèche, la réalité du terrain brûle.

Un pays qui s’effondre, une école qui s’éteint

Keyframe de vidéo de IOM Haiti

Depuis la fermeture des classes en juillet 2025, des milliers de familles vivent dans l’attente. À Port-au-Prince, à Gressier, dans le Bas-Artibonite, à Liancourt, à Croix-des-Bouquets, les coups de feu remplacent les coups de cloche. À Pierre-Payen, commune de Saint-Marc, les flammes ont consumé des maisons, des vies et l’espoir de milliers d’enfants de retourner un jour à l’école.

La capitale elle-même — Port-au-Prince — semble désormais abandonnée à des groupes armés qui imposent leurs lois, déplacent les populations, pillent, incendient, tuent.

Comment envoyer un enfant à l’école quand les familles dorment dans des centres d’accueil improvisés, sans matelas, sans repas, sans sécurité ? Quelle rentrée pour ceux dont l’école a été brûlée ou transformée en camp de réfugiés internes ?

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Une dégringolade sans précédent : "Lekòl la kraze"

Dans un discours alarmant récemment prononcé, le ministre Antoine Augustin n’a pas mâché ses mots : "Lekòl la kraze."

Selon lui, sur 587 000 élèves attendus à partir de la 6e année fondamentale, seulement 188 000 ont effectivement participé aux examens de 9e année en 2024-2025. Cela signifie que près de 400 000 élèves ont quitté l’école avant même la fin du cycle fondamental. Un effondrement massif, silencieux, dramatique.

Où sont ces enfants aujourd’hui ? Qui les a suivis ? Quelles sont les dispositions pour éviter que cela ne se reproduise cette année encore ?

L’illusion de la rentrée dans un pays déplacé

Timoun lekol deplase
De MagHaïti

Dans les discours, l’État annonce un accompagnement aux écoles, aux parents, aux enseignants. Il parle de réhabilitation, de formation continue, d’élargissement des cantines scolaires, de distribution du Liv Inik. Mais sur le terrain, rares sont ceux qui voient arriver la moindre aide.

À Saint-Marc, plusieurs familles déplacées de Pierre-Payen passant leurs nuits dans des situations défavorables. À Port-au-Prince, certaines écoles ont été désertées ou occupées par des groupes armés. Dans la plaine, à Martissant, à Savane Pistache, les enseignants refusent de se rendre en salle de classe, faute de garanties de sécurité.

Les élèves, eux, vivent dans la peur. Beaucoup sont prêts à fuir à la moindre détonation, et aucun apprentissage réel n’est possible dans cet état de tension permanente.

Un impact irréversible sur l'apprentissage des enfants

Les troubles mentaux, l’instabilité émotionnelle, l’interruption des cours, l’insécurité alimentaire, l’absence de manuels ou de professeurs... tout s'accumule pour hypothéquer l’avenir des enfants haïtiens.

Un enfant qui vit dans la peur ne peut pas apprendre.

Un enfant qui change d’abri chaque semaine ne peut pas faire ses devoirs.

Un enfant qui a vu sa maison brûler n’a pas la tête à l’école.

Et pourtant, le calendrier scolaire continue, comme si tout allait bien.

Un climat défavorable à la réouverture des classes ?

Les parents, les élèves, les enseignants, les directeurs d’école se posent tous la même question :
Est-ce que les conditions sont réellement réunies pour cette rentrée scolaire ?
Comment sécuriser les zones rouges ?
Comment réintégrer les déplacés internes dans un circuit éducatif stable ?
Quel plan concret est prévu pour empêcher l’abandon scolaire massif des années précédentes de se répéter ?

Aucune réponse précise. Que des communiqués.

Une rentrée dans l’incertitude totale

Chaque rentrée scolaire en Haïti est une promesse. Mais les promesses non tenues ont fini par user la patience des citoyens. L’annonce du 1er octobre 2025, bien que nécessaire, ressemble davantage à un souhait administratif qu’à une garantie opérationnelle.

Car une chose est claire : la réalité actuelle du pays est incompatible avec une rentrée scolaire nationale réussie.

En conclusion : la rentrée existe sur le papier, mais le pays est ailleurs

Les parents attendent.
Les élèves espèrent.
Les écoles se vident.
Les gangs avancent.
Et les autorités annoncent.

Mais l’éducation ne se décrète pas, elle se construit, elle se protège, elle se garantit par des actions tangibles. Et aujourd’hui, des millions d’enfants haïtiens regardent ce calendrier scolaire sans savoir s’il les concerne vraiment.

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